Alechinsky - Volcan aztèque 1971
L'affaire Google/BNF a réveillé la filière du livre, comme si
chacun prenait soudainement conscience de l'arrivée du numérique et de sa
grande puissance de déstabilisation, voire de destruction, des modèles en
place.
En fait, le premier évènement qui a sonné l'heure des
grandes manœuvres, a certainement été le rachat de Numilog par Hachette en mai
2008. Ce rachat donnait le départ de la course à l'armement en matière de
plateformes de distribution numérique, et les principaux éditeurs ont depuis
choisi leur camp.
Avant cela, on lisait ici ou là que des études étaient lancées,
des rapports commandés, des projets en marche.
Le
numérique était au cœur de toutes les conversations dans les allées du Salon du Livre en mars dernier. Son inauguration par
Nathalie Kosciusko-Morizet Secrétaire d’Etat chargée de la Prospective et du
Développement de l’économie numérique, en lieu et place du Ministre de la
Culture, ainsi que son discours d'introduction des Assises Professionnelles du
Livre, avait donné le ton, mais passés les discours et les effets d'annonce, rien
de bien concret.
C'est donc bien l'annonce de l'accord entre Google et la BNF
qui a emballé la machine. Depuis, pour accompagner les annonces
qui sonnent comme autant de menaces suivant qu'on est éditeur ou libraire
(arrivée du Kindle en Europe, création d'Eden,
d'E-plateforme, arrivée de
Google Edition en 2010,
publication de la première étude sur le piratage du livre),
les articles et autres prises de position se succèdent à un rythme soutenu.
Dernier en date, dans son édition du samedi 31 octobre
dernier Le Monde a ouvert ses colonnes à cinq acteurs du secteur du livre qui
expriment des points de vue différents, voire radicalement opposés.
Antoine Gallimard, PDG des
éditions Gallimard, souligne le fait que les acteurs historiques de la filière
du livre et les nouveaux entrants de la filière numérique ne partagent pas les
mêmes objectifs et qu'il faut donc se méfier de leur numéro de charme.
Je ne crois pas à la sincérité ni à la bienveillance de ceux
qui en ont pris l'initiative.
C'est à celui qui prendra le premier l'ascendant, en
imposant son lecteur, son format, son réseau, sa boutique, ses prix, son
moteur, sa bibliothèque.
Dans cette perspective, il est urgent que les éditeurs
puissent être assurés de la maîtrise des prix et des fichiers dans l'univers
numérique.
Arnaud Nourry, PDG d'Hachette Livre, plaide pour une entente
entre éditeurs et les invite à rejoindre le projet Numilog tout en étant
conscient que l'image d'Hachette fait peur.
Deux sociétés américaines, Google et Amazon, font figure de
pionnières dans ce domaine. Elles sont engagées dans une course de vitesse qui
peut leur donner, à terme, les clés d'un monopole ou d'une position dominante.
Ainsi j'ai proposé d'ouvrir le capital de Numilog, leader
français du stockage et de la commercialisation de livres numériques, à tous
les éditeurs intéressés, pour que nous puissions constituer une plateforme
commune.
Arash Derambarsh, directeur du
département politique et personnalités publiques au Cherche Midi est résolument
optimiste et milite pour le tout numérique en mettant en avant les avantages
pratiques de la dématérialisation du livre
Les éditeurs français exigent de Google le respect de la
loi, et ils ont raison. Toutefois, le livre électronique est une chance. Il
apporte une réponse pratique. En effet, le Kindle, livre électronique d'Amazon,
peut télécharger 1 500 ouvrages. Pour le cartable des étudiants, c'est une
réponse exceptionnelle. De plus, la nouvelle génération pourra beaucoup plus
facilement se familiariser avec les classiques.
Bruno Racine, président de la
Bibliothèque nationale de France, défend ses positions et son partenariat avec
Google
Les discussions menées par la BNF avec des partenaires
privés s'inscrivent dans le dialogue nécessaire avec les nouveaux acteurs du
numérique et ne constituent en aucun cas un renoncement à ses missions de
service public qui consistent notamment à diffuser ses fonds patrimoniaux.
Rémy Toulouse, directeur des éditions Les Prairies
ordinaires défend lui, le livre dans sa forme traditionnelle
C'est dans le livre seul, avec sa forme finie si spécifique,
que la "véritable" lecture peut s'effectuer, celle qui implique
attention, concentration, durée, désintérêt. Et le fameux e-book nous semble
moins un livre nouveau qu'un facteur clé de sa marginalisation.
Il reste malgré tout des pistes de travail sur lesquelles
ces acteurs peuvent travailler ensemble. Encore faut-il définir des objectifs
en évitant les fausses pistes et sans perdre de vue quelques réalités.
La première est qu'Amazon et Google sont performants. Ils
ont des années d'avance, des millions d'utilisateurs qui les ont adoptés au
point d'en faire des standards,
des moyens financiers qui les placent dans une autre dimension, et sans aucun
doute bien des projets en réserve. Il ne sert donc à rien de travailler sur des
services qui viseraient à les concurrencer frontalement sans chercher à être
encore plus performant.
La deuxième est que le livre dans sa forme actuelle restera
pour de nombreuses années encore la source principale de revenus de tous les
acteurs de la chaîne du livre. Il faut donc penser à intégrer les points de vente
dans toutes les réflexions.
La troisième est qu'un marché de best sellers, sous quelque forme que ce soit, n'est bon pour
aucun acteur de la chaîne du livre. Ni aujourd'hui ni demain. Et c'est là que
les "gros" montrent leurs faiblesses. Faire remonter des informations
en quelques secondes et les classer dans l'ordre décroissant n'est pas un signe
de pertinence. Transformer des statistiques de ventes en outils de conseil non
plus.
Une fois jetés sur la table ces quelques
présupposés, le chantier de la prescription se dessine comme prioritaire sur
tous les autres et doit rassembler tous les acteurs de la chaîne du livre. Une dernière chose, il ne faut pas perdre de vue l'impérieuse nécessité de faire vite.
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