La vente de la Fnac n'a rien d'une surprise (lire ici) et la suite de l'histoire n'est intéressante que dans la mesure où elle va permettre aux autres acteurs de la distribution de produits culturels (éditeurs, concurrents) de repenser leur positionnement vis-à-vis de la première enseigne physique de France.
La nature du futur repreneur ne changera pas grand chose à l'affaire. Qu'il s'agisse d'un fond d'investissement ou d'un groupe de distribution, l'objectif restera le même: l'amélioration de la rentabilité de l'enseigne. On peut déjà deviner sans trop de difficultés la nature des mesures qui seront mises en place: fermeture de magasins, économie d'échelle, mutualisation d'outils logistiques dans le cas d'un repreneur issu de la distribution, rationalisation des achats, réduction du poids des stocks…
Menaces pour les uns, opportunités pour les autres.
Ce train de mesures va porter un rude coup à l'image de spécialiste qui était encore celle de la Fnac à l'aube des années 2000 dans les domaines du disque, du livre et de la vidéo.
Rappelons qu'être spécialiste implique de remplir deux conditions sine qua non. La première est d'offrir une offre large, la deuxième est de disposer d'un personnel qualifié capable de renseigner un client quel que soit l'objet de sa recherche. Deux items qui s'accordent mal avec une politique de rationalisation des achats/stocks et une politique salariale qui, à n'en pas douter, n'encouragera pas les vocations chez les spécialistes.
Les gagnants
Sans aucun doute les concurrents de la Fnac peuvent être les
grands gagnants de l'histoire, les Espaces Culturels Leclerc en tête. Avec ses
200 points de vente, il ne manque à ce
regroupement que la mise en place d'un vraie politique marketing de
l'offre pour s'inscrire un peu plus dans le paysage et proposer une vraie
alternative aux éditeurs.
Les libraires indépendants très spécialisés ou grands généralistes - comme Mollat à Bordeaux, Ombre Blanche à Toulouse – pourront eux aussi profiter de la période de "réajustement" que va traverser la Fnac.
Nul doute que dans le paysage qui se redessinera, le portail de la librairie dont on nous parle depuis cinq ans aurait été un atout majeur pour beaucoup de libraires.
Dans le disque aussi les indépendants spécialisés comme
Harmonia Mundi (43 boutiques en France) auront le champ libre pour développer leurs
points forts à travers des opérations de recrutement auprès
des déçus de "la Fnac d'avant".
Des temps difficiles pour les autres
Nul doute que le nouveau propriétaire de l'enseigne, pour
favoriser un développement des marchés porteurs, ne cherche à
rationaliser un peu plus les achats (conditions commerciales et référencement)
et le poids des stocks (quitte à renvoyer les clients sur fnac.com) sur les
marchés "secondaires". Déjà confrontés à
l'effondrement de leur marché, les éditeurs du disque (surtout les plus petits) peuvent
se préparer à de nouveaux temps difficiles, sauf à avoir mis en place des dispositifs
de promotion couplés à des outils de vente alternatifs.
Pour les éditeurs de livres, le grand nombre de points de vente permettra d'amortir la mise en place d'une politique commerciale plus rigide de la Fnac.
Pour la vidéo, on peut parier sur une accélération de la réduction des linéaires de fond au profit d'une politique de coups commerciaux (10 DVD pour 50 €...).
Scénario probable une fois le rachat effectué
1/ fermeture de cinq à dix magasins sur trois ans
2/ quelques magasins "vitrines" avec offre large et pôle d'expertise
3/ dans les magasins restants, réduction des linéaires des produits culturels et gestion du fond principalement basée sur des opérations commerciales ponctuelles.
Plus que jamais, dans un marché dont les ventes se
concentrent tous les jours un peu plus sur un petit nombre de références, la
question de l'exploitation du back catalogue va devenir cruciale pour les éditeurs de tous les secteurs.
Et les clients dans tout ça?
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