Un article de Rue89 sur un libraire indépendant du Xème arrondissement de Paris. Un point intéressant et riche d'enseignement ; on peut résister à une grande surface culturelle !
Un article de Rue89 sur un libraire indépendant du Xème arrondissement de Paris. Un point intéressant et riche d'enseignement ; on peut résister à une grande surface culturelle !
Avec cette formule, on comprend pourquoi Amazon a perforé les barrières de la distribution physique des produits culturels. Les valeurs TD et EP étant annulées (on ne se déplace plus et les comparateurs permettent de trouver les prix les moins chers et des produits d'occasion), les seuls critères déterminants restent le choix QO (quasi illimité sur Internet) et le conseil QC, même s'il se résume pour le moment à des données statistiques du genre ceux qui ont acheté ont également acheté.
Déjà bousculés par ces pure players on line et par la violence de la crise du disque et de la vidéo, la Fnac et Virgin ont fait le choix d'une rationalisation drastique de leur offre, choix qui les a fait plonger dans une spirale infernale ;
1. Puisque je vends moins qu'avant, je réduis mon offre et mes stocks pour maintenir mes coûts d'exploitation
2. Je me concentre de plus en plus sur les produits à forte rotation
3. Mon offre se banalise
4. Je perds des clients qui trouvent sur Internet ce qu'ils ne trouvent plus dans mes magasins
5. Des concurrents (Leclerc, Cultura) se développent en périphérie
6. Je suis obligé de m'allier avec une enseigne de grande distribution pour lutter contre cette nouvelle concurrence*
7. Je développe des offres nouvelles (occasion, merchandising, papeterie) qui compensent une partie de la baisse de mon activité mais qui m'éloigne de plus en plus de mon modèle d'origine, celui qui a fait ma force
8. Ma rentabilité étant particulièrement fragile, mes actionnaires me vendront bientôt (tant qu'il est encore temps)
9. Mes nouveaux actionnaires ne garderont pas tous mes points de vente**
10. Il va y avoir des surfaces commerciales en centre ville à récupérer dans les prochaines années.
*Accord de partenariat entre la Fnac et Système U passé en 2007
**La première version de ce scénario catastrophe à été écrite en juillet 2007
Deux articles publiés dans le Figaro (le premier, le deuxième) sur la librairie et la rentrée littéraire à venir. Il est intéressant de lire les propos de Jean-Marie Sevestre sur la largeur de l'offre :
"Je refuse de jouer le jeu des 20/80 : 20 % des titres qui réalisent 80 % des ventes. Ce type de fonctionnement est en train de tuer l'industrie du disque. Nous avons plus de 140 000 références et environ 350 000 volumes en stock. Chez Sauramps, 80 % des titres sont vendus à l'unité. Le fonds est important, c'est notre raison d'exister, il nous arrive souvent de n'écouler que deux ou trois exemplaires d'un titre durant l'année, mais on ne va pas le retirer du stock pour autant. On ne se départira jamais de cette démarche."
Simplement, n'oublions pas qu'on parle ici de la deuxième librairie indépendante de France, et que, malgré ce positionnement seul valable pour le maintient de la librairie indépendante, les plus grosses ventes, celles qui génèrent les revenus les plus importants, restent celles qu'on retrouvent à la Fnac ou sur Amazon.
Une offre, des offres, un conseil, des conseils
Dans ce paysage concurrentiel, les enseignes spécialisées et plus particulièrement celles restées au centre, se doivent de répondre à quelques questions simples ;
• Mon offre (largeur et profondeur) correspond-elle aux attentes d'une clientèle de spécialistes (qui recherche plus que des best sellers) ?
• Est-elle suffisamment différente de celle de mes principaux concurrents (spécialisés ou généralistes) ?
• Mes vendeurs sont-ils dans la capacité (temps, formation) de renseigner et conseiller les clients ?
Ces questions peuvent être formulées sous la forme d'une équation dont les données seraient les suivantes :
CE (choix d'une enseigne) = QO (qualité de l'offre) * QC (qualité du conseil) / TD (temps déplacement) * EP (écart prix).
Explications.
Si on accorde à chaque critère une valeur de 1 à 5 suivant son importance dans l'esprit d'un consommateur (plus le critère est important plus on va vers 5), on s'aperçoit qu'un résultat négatif nous rapproche du modèle des hypermarchés (prix/ parking), un résultat positif nous rapprochant du modèle d'un spécialiste (choix/ conseil).
Exemple.
J'accorde la plus grande importance au choix QO = 5. Le conseil est un plus précieux mais pas fondamental QC = 3. Mon achat est un achat plaisir, j'aime chercher et me déplacer en centre ville TD = 2. Le prix n'est pas un critère déterminant EP = 2.
• Le résultat est > 0
• Mon profil est celui des clients qui fréquentent les enseignes spécialisées, les boutiques d'imports, les librairies spécialisées… Des magasins où la garantie d'une offre sélectionnée et d'un conseil de qualité l'emportent sur les contraintes liées aux déplacements et aux prix.
Autre exemple.
J'achète les best sellers du moment, un choix minimum me suffit, QO = 2. Pas besoin de conseil pour acheter produits présentés en tête de gondole QC = 1. Je ne veux pas perdre de temps à me garer TD = 4. Je profite au maximum des promotions et prix les plus bas, EP = 5.
• Le résultat est < 0
• Mon profil est celui de l'acheteur des grandes surfaces généralistes dans lesquelles une offre limitée aux produits d'actualité me suffit.
Cette formule explique, simplement, le choix des enseignes spécialisées de la part d'un public pour lequel le critère numéro un reste la qualité de l'offre et la possibilité de découvrir des produits auquel il ne pensait pas en partant de chez lui.
Ce type de clientèle a ses propres réseaux d'information, est plus sensible au bouche-à-oreille qu'aux pub télé, et est prêt à payer plus cher des produits (des disques vinyle, des CD ou DVD en import, des séries limitées…) que les enseignes généralistes ne lui proposent pas.
Cette formule explique également l'importance de la loi sur le prix unique du livre (loi Lang 1981) dans le maintien des libraires de proximité. L'écart prix autorisé étant limité à 5% du prix public, on peut limiter la valeur de EP à 1. Le nombre de "vraies librairies* " étant estimé, en France à, environ, 500 la valeur de TD est également proche de 1. Le résultat est donc largement positif pour autant que le libraire propose une offre et un conseil susceptible de satisfaire les appétits d'une clientèle gourmande.
*Le livre, mutations d'une industrie culturelle. François Rouet. La documentation Française
Au centre et à la périphérie
Il fut un temps où le succès d'un commerce reposait sur trois critères :
Puis, les hypermarchés ont imposé de nouveaux critères de succès :
Ce nouveau modèle a déplacé le centre de gravité de l'activité commerciale du centre vers la périphérie des villes.
Depuis, pour résister à cette concurrence, les commerces du centre doivent constamment accorder la plus grande attention aux critères de prix, de choix, d'accueil et de conseil.
Les produits culturels
Si ce constat concerne les commerces de toute nature, les enseignes spécialisées dans le commerce des produits culturels doivent être particulièrement vigilantes sur le bon équilibre entre ces différents critères, car cet équilibre conditionne la nature de la clientèle et de ses attentes.
Pour trois raisons.
1. Les produits culturels ne sont pas des produits de première nécessité et ne sont pas substituables. Je n'ai pas BESOIN du disque Kind of Blue de Miles Davis, mais je ne me contenterai pas pour autant du dernier CD de Mylène Farmer si je ne le trouve pas. C'est donc l'enseigne qui peut me proposer l'offre la plus large par rapport à mes attentes qui aura ma préférence.
Dans ce cas, les critères de prix et de facilité d'accès sont de moindre importance face à la promesse de trouver le produit recherché.
2. Les enseignes spécialisées se concurrencent entre elles, mais elles subissent aussi la concurrence des enseignes généralistes (les grandes surfaces alimentaires).
L'offre y est abritée dans un corner dédié aux produits culturels alors considérés comme des produits d'appel. L'offre est moins riche mais suffisante pour satisfaire une clientèle consommatrice de best-sellers ou de produits placés sous les feux de l'actualité du moment.
Dans ce cas, c'est l'accès facile au lieu de vente, l'offre limitée (facilité de choix) et le prix qui sont les critères les plus importants.
3. À cette concurrence classique s'est ajoutée, en périphérie, celle d'enseignes spécialisées comme Cultura (une cinquantaine de magasins) ou les Espace Culturel Leclerc (près de deux cents). Avec des emplacements dans les mêmes zones commerciales que les enseignes alimentaires, mais avec des offres plus larges, ces nouveaux spécialistes déplacent une clientèle plus exigeante en matière d'offre mais aussi plus regardante sur les prix et le service (parking, proximité de l'alimentaire).
(À suivre)
Cette année, plusieurs constructeurs présentent leur modèle de livre électronique au Salon du Livre.
On notera que le modèle d'Amazon s'appuie, aux US, sur une offre de >200 000 titres disponibles.
En France, la Fnac partenaire de Sony, propose sur son site 3500 ouvrages, principalement des titres distribués par Hachette ou édités par une de ses filiales (Fayard, Calmann-Levy...).
Que les défenseurs acharnés de l'édition papier le veuille ou non, la lecture sur les livres électroniques, téléphones portables, notebooks (ces ordinateurs portables à partir de 300€) ou tout autre device à venir, trouvera sa place. Pour se faire une idée, on peut lire le billet de francis Pisani à ce sujet.
En Francce, à l'heure où les ventes se concentrent de plus en plus sur les best sellers, on pourrait très bien imaginer que les éditeurs rééditent en format électronique des titres épuisés (qu'on ne trouve plus dans les librairies) mais toujours protégés par le droit d'auteur.
Trois avantages au moins: 1/ économie des coûts de fabrication, 2/ prix attractif puisqu'on estime que les fichiers des ouvrages pourraient être vendus 40% moins cher qu'un livre physique. Même avec une TVA à 19,6% (vs 5,5% pour le livre), le différentiel reste de 25%. 3/ animation de leurs catalogues.
Alors, pourquoi attendre encore ?
La théorie de la long tail, repose sur le fait que la numérisation des œuvres permet d'en rendre accessible un nombre quasi illimité grâce au fait qu'elle supprime la nécessité de les stocker physiquement pour les rendre disponibles.
Dans l'esprit de Chris Anderson, l'auteur du concept de la long tail, une fois une œuvre choisie sur Internet, on peut, en quelques clics, en découvrir d'autres moins connues en se laissant guider par les outils de prescription que proposent les différents marchands en ligne, et par les commentaires laissés par les autres clients.
C'est sur ce point que la théorie de Chris Anderson est fragile. Les outils d'aide au choix du type "Ceux qui ont acheté…" ne sont pas des outils de prescription mais de simples indicateurs comportementaux. Les gens qui ont acheté un CD un livre ou un DVD en ont acheté un autre. Et alors? Où est le conseil? Où sont les arguments qui inviteraient à se plonger dans l'exploration des catalogues?
Une illustration. Quel est le lien entre le dernier CD de Souchon, le DVD du film Wall.E, celui du film La Momie 3, le dernier roman de Dennis Lehane, le CD des Enfoirés et celui de Grégoire? Ils ont tous été achetés par des clients qui ont également acheté le dernier album de U2 sur amazon.fr Qu'en déduire d'autre que des clients qui ont acheté une de ces œuvres en ont acheté une autre?
Sur le site de la fnac, le constat est encore plus sévère puisque sur les 20 oeuvres que "les internautes qui ont acheté..." 11 sont des CD de U2.
Restent les conseils des internautes, fantasmes du Web 2.0 - tout le monde peut exprimer son avis et rendre possible la promotion d'œuvres qui n'ont pas accès aux grands médias. Sans même parler des opérations d'infiltration sur des forums et autres blogs organisées par des sociétés spécialisées pour le compte d'éditeurs/productuers, ces critiques ne rassurent généralement que ceux qui veulent l'être et n'ont jamais fait bouger les lignes du succès.
Pour s'en convaincre, il suffit de regarder les courbes de ventes. Bien que le nombre de produits culturels accessibles soit tous les jours plus grand, les ventes se concentrent toujours - et de plus en plus - sur les nouveautés et surtout sur les produits stars. On passe de la règle du 20/80 à celle du10/90. Cette réalité est la même qu'on regarde les ventes de CD, de livres ou de DVD.
Parce qu'on ne demande pas un produit qu'on ne connaît pas, les nombreux modèles économiques dont est porteuse la théorie de la long tail, ne verront le jour qu'à la condition d'apporter des réponses aux questions qui concernent la prescription.
Dans ce domaine, beaucoup reste à faire.
Le marché du livre souffre - comme ceux du disque ou de la vidéo - d'un resserrement des ventes sur les produits vedettes.
Pour lutter contre ce phénomène qui n'est bon ni pour les éditeurs ni pour les distributeurs (voir ci-dessous la note sur la Fnac), seul un travail sur les catalogues peut redonner le goût aux clients de se lancer dans l'exploration de titres qui ne sont pas sous les feux de l'actualité.
C'est dans cette optique que l'éditeur Payot/Rivages a conçu un volume hors série de la collection Rivages/Noir
qui sera offert dans les librairies aux acheteurs de deux titres de la collection.
En plus des dix règles d'écriture d'Elmore Leonard, on retrouvera dans ce volume – sorte d'album de la Pléiade - un catalogue raisonné qui permettra à chacun d'explorer les quelques sept cent cinquante titres de la collection.
C'est François Guérif lui-même, fondateur et directeur de la collection, qui a organisé l'exploration de son catalogue en imaginant une vingtaine de familles dans lesquelles il a créé des cousinages entre auteurs. Chaque famille est présentée par un petit texte explicatif et une dizaine de références illustrent le thème retenu.
Cet album possède trois qualités principales. La première est qu'il donne envie au lecteur de se plonger dans la découverte de titres ou d'auteurs qu'il avait oubliés ou dont il ignorait même l'existence. La deuxième est qu'il va aider les libraires dans leur travail de conseil. La troisième est qu'il va durer dans le temps. Les lecteurs comme les libraires pourront s'y référer le jour de leur choix, la semaine prochaine comme dans six mois.
C'est en multipliant ce genre d'initiative et en sortant des opérations qui se résument à mettre en piles des références sans lien entre elles, avec le seul appel prix pour tout concept, que les éditeurs et distributeurs redonneront l'envie aux clients d'explorer les milliers de références disponibles dans chacun des secteurs.
Et si on ne veut pas acheter toutes les références, on peut aussi se servir de ce guide pour les emprunter dans une bibliothèque!
Le groupe PPR a annoncé un plan d'économies pour Conforama et la Fnac. Le journal suisse 24 heures annonce la fermeture de la Fnac de Bâle et des menaces planent sur plusieurs magasins français dont Créteil, Belfort, Bastille.
Surprenant ? Non bien sûr. En juillet 2007 je publiais une note qui annonçait qu'on en arriverait inévitablement à cette extrémité, note dans laquelle j'avais, pour l'occasion, imaginée une formule qui permettait de s'en convaincre.
Les raisons principales que j'invoquais alors se retrouvent résumées dans les quelques lignes tirées de l'article du Figaro publié ce matin: " Si les ventes de Noël n'ont pas été mauvaises, seuls les produits d'appel sont bien partis, ce qui a réduit la marge (…)."
S'il est normal pour une enseigne de vendre des produits "stars" en période de fêtes de Noël, il n'est pas normal pour la Fnac de ne vendre que ces produits.
Surtout, il n'est pas normal que, dans des Fnac moyennes, ces produits d'appel occupent les têtes de gondole à longueur de temps, ou que les opérations de prescription qui faisaient la force de l'enseigne aient quasi disparues.
En s'écartant petit à petit du modèle d'origine qui a fait sa force et son succès (choix + conseil + prescription), la Fnac s'est fragilisée au point de laisser le champ libre à Amazon, aux Espaces Culturels Leclerc, ou encore à fnac.com… qui offrent tous des avantages (proximité, services, disponibilité des produits) qui rivalisent aujourd'hui avec ceux de l'enseigne "agitateur d'idées"
Et vous, quel regard porté vous sur la Fnac aujourd'hui?
Amazon vient de présenter le Kindle 2.0 et ses nouvelles fonctions sur le marché américain avec l'intention affichée de le proposer sur le marché européen dès que possible, sans toutefois annoncer de date précise.
En France, plusieurs problèmes reste à régler dont celui de la définition du livre électronique et le taux de TVA qui lui sera appliqué. La question de la place de la librairie dans la chaîne qui va de l'auteur au lecteur reste, elle aussi, entière.
S'il est entendu que, pour pénétrer un marché, une technologie grand public doit s'appuyer sur une offre large et profonde de contenus (un maximum de titres dans tous les genres, des nouveautés comme des références de fond), celui des canaux de distribution est également primordial.
On sait que les grandes enseignes spécialisées comme la Fnac ou Virgin, ont déjà choisi de s'adapter à cette nouvelle forme de vente, aidées dans leur entreprise par des acteurs comme Hachette (d'autres suivront) qui a acheté la société Numilog il y a quelques mois déjà. Ces enseignes comptent l'une comme l'autre sur la puissance de leur marque et la qualité de leurs services pour fidéliser les clients qui fréquentaient leurs magasins, et dans lesquels ceux-ci trouveront toujours des écrans plats ou des reader à acheter.
Mais pour les libraires, quelle offre complémentaire?
Les commentaires récents