A une époque pas si lointaine, une règle voulait que les facteurs-clé de succès d'un commerce étaient dans l'ordre : 1/ un emplacement 2/ un emplacement 3/ un emplacement. Le développement des supers et hypermarchés augmentant l'intensité de la concurrence, les commerces de centre ville ont compris qu'il ne suffisait plus d'avoir la bonne offre, mais qu'ils devaient également prendre en compte les facteurs prix, choix, accueil.
Dans la foulée, tous les commerces ont dû répondre à la question suivante ; combien de temps, trajet compris, un client est-il prêt à consacrer à l'achat d'un produit voulu, à un prix justifié par sa rareté/ qualité ?
Je me suis amusé à formuler cette question sous la forme de l'équation suivante : PB (plaisir/ besoin de fréquenter une enseigne) = C + C (choix + conseil) / TD (temps déplacement) + EP (écart prix)© . La valeur de chacune des variables étant différente suivant les personnes, il existe presque autant de solutions qu'il y a de clients. Dans la distribution des produits culturels, si on accorde à chaque variable une valeur de 1 à 5 sur une échelle qui mesure la satisfaction (plus je suis satisfait plus je m'approche de 5), on s'aperçoit qu'un résultat négatif nous rapproche du modèle des hypers (commodité mais offre pauvre et conseil inexistant), un résultat positif nous rapprochant du modèle de la grande distribution spécialisée. Cette formule "explique" l'engouement pour la Fnac de la part d'un public qui était prêt à payer cher des produits que nulle autre enseigne ne proposait, accompagné si besoin était d'un conseil avisé. Elle explique également le maintien des libraires de proximité. La loi sur le prix unique annulant la variable EP, et TD proche de zéro également (il existe en France près de 20 000 points de vente dans lesquels on trouve "des livres"), les critères déterminants restent le choix et le conseil.
Avec cette formule, on peut facilement comprendre pourquoi le modèle Amazon a déstabilisé la distribution physique des produits culturels. Les valeurs TD (on ne se déplace plus) et EP (les comparateurs permettent de trouver les prix les moins chers) étant annulés, les critères qui font la différence restent le choix (quasi illimité sur Internet) et le conseil (ceux qui ont acheté ont également acheté...). Avec la crise du disque et de la vidéo, la Fnac et autre Virgin ne peuvent donc plus lutter et plongent dans une spirale infernale ; 1/ puisque je vends moins qu'avant, je réduis mon offre et mes stocks pour maintenir mes coûts d'exploitation 2/ je me concentre de plus en plus sur les produits à forte rotation 3/ de fait, je perds mes clients spécialisés qui trouvent sur Internet ce qu'ils ne trouvent plus dans mes magasins 4/ mon offre se banalise 5/ des acteurs (Leclerc, Cultura) se développent 6/ je suis obligé de m'allier avec une enseigne de grande distribution pour lutter contre cette nouvelle concurrence* 7/ je m'éloigne de plus en plus de mon modèle d'origine, celui qui a fait ma force 8/ ma rentabilité étant particulièrement fragile, mes actionnaires me vendront bientôt (tant qu'il est encore temps) 9/ mes nouveaux actionnaires ne garderont pas tous mes points de vente 10/ il va y avoir des surfaces commerciales en centre ville à récupérer dans les prochaines années.
Bravo pour cette jolie démonstration de bon sens que j'ai eu plaisir à lire.
Keep up the good work !
Rédigé par : Philippe P | 18 février 2009 à 17:36
Votre analyse particulièrement bien vue se confirme: Virgin est à vendre.
Moi qui travaille dans le livre, je ne peux que vous confirmer votre scénario.
Seul bémol:Au final si c'est internet qui gagne et que le commerce se fait sur la toile, nous y perdrons plus qu'on ne peut le penser à long terme...
Mais cela est une histoire encore à écrire...
Rédigé par : Bravo | 24 juillet 2007 à 18:58