J'ai raconté dans une note de juin 2007 la réaction de nombreux éditeurs face aux effets prévisibles de la montée du numérique dans le livre: 1/ on ne télécharge pas de livres, 2/ les gens ne liront pas sur un ordinateur (ou tout autre appareil numérique, device), 3/ la loi sur le prix unique est un rempart infranchissable (sous-entendu même sur le numérique).
L'annonce faite par Sony de mettre gratuitement à disposition des possesseurs de son ebook plus de 500 000 titres du domaine public numérisés par Google, risque de provoquer quelques gueules de bois.
Si on totalise les acheteurs du Kindle d'Amazon et ceux qui ont opté pour la liseuse (!) de Sony, c'est près d'un million de lecteurs américains qui ont décidé de faire mentir les éditeurs français. Pour se convaincre que tous ces gens ne sont pas des geeks dégénérés, la note de Francis Pisani (journaliste vivant aux USA) sur ce sujet est éclairante.
Si personne ne peut dire aujourd'hui quel sera le vainqueur (quelle sera la réaction d'Amazon?) ou si, comme dans le jeu vidéo, le marché supportera deux ou trois acteurs majeurs, on peut toutefois constater que ; 1/ La lecture sur d'autres supports que le livre papier trouve rapidement des adeptes et plus l'offre sera large, plus les adeptes de la lecture numérique seront nombreux. 2/ Des pans entiers de l'offre (livres du savoir, livres pratiques…) ne passeront plus par les magasins. 3/ La loi Lang ne concerne pas les fichiers numériques. 4/ Les liens naturels qui unissaient éditeurs et libraires se distendent de plus en plus. 5/ Le commerce du livre est en train d'échapper aux distributeurs classiques.
On se retrouve donc dans la situation du disque au début des années 2000, avec des acteurs venus des terres lointaines de l'informatique qui créent et contrôlent les nouveaux canaux de distribution du livre.
Question; réussiront-ils à en fixer le prix comme Apple a réussi à le faire ?
Les industriels de la musique ont mené une politique de l'autruche pendant des années (certains voulaient éradiquer le MP3 en 1999, d'autres affirmaient qu'Internet ne deviendrait jamais une radio planétaire). On voit le résultat aujourd'hui. Mais au moins, le fait qu'ils aient essuyé les plâtres devrait-il profiter à d'autres. J'espère pour eux que les éditeurs vont en prendre de la graine. Quant aux libraires, ils devraient songer à mettre en valeur ce qui fait leur valeur ajoutée (invter des auteurs, par ex.), s'ils ne veulent pas connaître le sort des disquaires. C'est pas que je m'en réjouis, mais meux vaut prévenir que guérir...
Rédigé par : Philippe Astor | 20 mars 2009 à 12:28