Début juillet, le magazine Technikart rachetait Trax , le magazine des musiques électroniques. Ce micro événement rapporté par Augustin Scalbert sur le site d'information Rue89, donne l'occasion de faire un point, avec sang-froid, sur la situation de la presse musicale en France. Avec sang-froid, car c'est une chose de déplorer la reprise d'un titre par un groupe de presse plutôt que par sa rédaction, c'en est une autre que de déclarer : "Le groupe Cyber Press Publishing, laminé par la concurrence d'Internet et des gratuits".
En réalité, la presse musicale dans son ensemble n'a jamais dépassé le stade de l'amateurisme éclairé et n'a jamais été capable de se transformer en entreprise viable sauf à de très rares exceptions qui confirment la règle.
Ces titres ne disposant pas de moyens suffisants, ils se limitent généralement à relayer l'actualité du moment avec plus ou moins de bonheur suivant les facilités de contact que les maisons de disque leur accordent ou pas avec les artistes en période de promotion.
Un rappel. L'économie de tous les titres de presse écrite grand public repose sur le principe d'une double source de revenu ; les ventes au numéro (en kiosque ou par abonnement) et les recettes publicitaires. Pour bénéficier des bonnes grâces des annonceurs, il faut vendre beaucoup (> 100 000 ex/ mois) ou être considéré comme prescripteur auprès d'une population spécifique.
En France, si on s'arrête au principal critère pris en compte par les annonceurs (la diffusion payée établie par l'OJD), on constate que les ventes des différents titres de presse musique ne sont pas suffisantes pour attirer les grandes marques (distribution, automobile, banque etc.). Alors? Alors la presse spécialisée vivote sans qu'Internet n'y soit pour grand chose, comme le prouve le nombre de titres disparus corps et âme bien avant que 20 millions d'internautes français ne surfent sur la toile avec une connexion haut débit.
En réalité, le premier coup fatal porté à la presse en général est la Loi Evin qui, en 1991, interdisait la publicité sur le tabac et l'alcool. Ces secteurs qui dépensaient des sommes colossales dans la promotion de leurs produits auprès des jeunes ont disparu des pages des magazines, certains titres perdant jusqu'à 30% de leurs recettes.
Leurs chiffres de diffusion étant trop faibles pour intéresser les grands annonceurs, il ne reste plus aux titres spécialisés qu'à se tourner vers les annonceurs spécialisés, principalement les maisons de disque. Mais les éditeurs, comme les grands annonceurs, sont intéressés par les médias puissants. S'ils se montrent très intéressés pour qu'un titre spécialisé consacre un article à un de leurs artistes (crédibilité), ils le sont nettement moins pour acheter de la pub. Et les titres de presse spécialisée survivent tant bien que mal pour finir par disparaître après avoir été racheté et avoir tenté des re-lancements à grand coup de "nouvelle formule avec un CD gratuit".
En fait, les éditeurs, tous secteurs confondus, font avec les médias spécialisés comme avec la distribution, ils privilégient les acteurs les plus puissants sans penser à maintenir un tissu qui leur permettraient de préserver une certaine diversité. Certains ont même créé leur propre titre à la gloire de leurs artistes, comme Universal music qui a créé BUZZ , un magazine distribué gratuitement chez les disquaires, dans les fac…
D'un côté, les majors (90% de part de marché et des investissements publicitaires) tenues par leurs actionnaires à des retours sur investissement très importants n'investissent pas (ou peu, très peu) dans des outils de niche.
De l'autre, des indépendants aux faibles moyens qui préfèrent essayer des dispositifs du type "street marketing" ou "guerilla marketing".
Les coûts liés à la fabrication et à la distribution étant, en France, particulièrement élevés, la presse spécialisée est donc vouée à vivoter ou à disparaître.
Restent les autres supports/médias dont la diffusion sur Internet change le rayonnement mais qui vont devoir créer des modèles économiques qui leur permettront d'exister à côté des Myspace et autre Youtube.
Tout un programme.
Les commentaires récents