Si, depuis quelques temps les acteurs du livre prennent conscience de l'arrivée du numérique dans leur monde, force est de constater que cette prise de conscience se fait sur les talons, sous la menace, de la part des éditeurs et libraires français.
Je m'explique. C'est parce que Google et Amazon prennent une place de plus en plus importante dans le commerce du livre et qu'ils déstabilisent les acteurs en place que l'édition française réagit. D'abord en se mobilisant contre Google, et maintenant en observant, inquiets, l'arrivée du Kindle d'Amazon, le distributeur étant déjà le premier client chez de nombreux éditeurs.
Le problème, c'est que cette prise de conscience se fait tard et qu'aucune alternative n'est prête pour contrecarrer l'avancée d'Amazon. Si dans un premier temps la librairie indépendante est la plus menacée, les éditeurs de littérature ambitieuse, celle qui nécessite une exposition de qualité et un soutient appuyé des libraires, seront à leur tour pris dans la tourmente.
Les problèmes à venir sont prévisibles depuis longtemps, plus longtemps encore que la note ci-dessous que j'avais écrite il y a plus de deux ans.
À quand les initiatives concrètes ?
(première publication sur ce blog, 5 juin 2007)
Dans le livre, alors que la vente à distance se développe inexorablement et qu'un phénomène de "bestsellerisation" des ventes s'installe depuis quelques années, phénomène qui renforce les grandes surfaces dans leur fonctionnement (moins de références, de stock, de vendeurs spécialisés), le regard porté sur Internet par la grande majorité des éditeurs rappelle fortement la cécité des éditeurs de disques à la fin des années quatre-vingt-dix.
Quand j'interroge, aujourd'hui encore, des éditeurs de livres concernant le développement de leur présence sur Internet en leur rappelant ce qui s'est passé dans le disque, les réponses sont quasiment toujours les mêmes ;
1/ on ne télécharge pas de livre
2/ les gens ne liront jamais sur un ordinateur,
3/ on est protégé par la loi sur le prix unique.
Fin de la conversation. Le problème est évacué pour laisser place aux éternelles discussions sur la largeur de l'offre, les gros lecteurs qui disparaissent et le marketing considéré comme une véritable peste noire…
Pour ne pas avoir réfléchi au-delà de "l'affaire Google", les éditeurs et tous les acteurs du livre, ont laissé Amazon, son application "chercher au cœur" et son service de vente à distance, capter un public tous les jours plus nombreux qui, de fait, déserte peu à peu les points de vente et en premier lieu les librairies indépendantes de création pourtant les principaux garants du maintien de la visibilité des livres "difficiles" et de la largeur de l'offre en générale.
Et le scénario qui s'est déroulé dans le disque et le cinéma risque fort de se répéter. Premièrement, un affaiblissement des points de vente indépendants augmentant ainsi la dépendance des éditeurs vis-à-vis des chaînes de dsitribution. Deuxièmement, ces enseignes ayant des objectifs de rentabilité basés sur une rotation rapide des stocks (bestsellorisation), elles réduisent peu à peu la largeur de l'offre, notamment la place accordée aux produits difficiles. Troisièmement... beaucoup d'éditeurs et de libraires indépendants vont souffrir.
La crise annoncée du livre est d'autant plus regrettable qu'elle était prévisible. Tout n'est pas encore perdu, encore faut-il faire vite.
On est tout de même en droit de se poser une question : pourquoi les différents secteurs culturels ne cherchent-ils pas à tirer les leçons de ce qui se passe dans les secteurs voisins ?
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