A quoi sert une major ? A rien. Des artistes ont tourné des films, écrit des livres, enregistré des chansons avant que n'existent Universal, Editis, ou Sony, et le public a su transformer en best sellers les albums de Johnny, les livres de Gérard de Villiers ou La Grande Vadrouille bien avant que n'existent la pub télé, les têtes de gondoles et les multiplexes.
Les majors ne sont qu'une des résultantes de la massification des marchés, des holdings commerciales et logistiques conçues pour peser d'un poids suffisant dans les négociations commerciales face aux chaînes de distribution qui se sont constituées dans les années 60.
Des actionnaires ont misé sur l'émergence des marchés culturels et ont donc agrégé des catalogues pour devenir aussi puissant que possible.
Les résultats de cette course à la taille critique sont sans appel. Il faut savoir que la part de marché des quatre (4) majors du disque est de 90%, ou encore que dans le secteur du livre Editis et Hachette Livre réalisent à eux seuls 40 % du chiffre d'affaire des 200 premiers éditeurs. De leur côté, les cinq plus grosses enseignes de l'hyperdistribution vendent en France, 70% des vidéos, 60% des CD et 20% des livres. La logique est donc respectée.
Est-ce à dire que sans major point de salut ? Pas tout à fait, mais il est clair que pour négocier l'exposition de ses produits chez Carrefour, mieux vaut bénéficier du savoir-faire et de la puissance de négociation d'Universal par exemple.
Paradoxalement, la situation n'est pas sans espoir pour les indépendants. Au contraire.
Tout comme les gros ont du mal à se baisser pour lacer leurs chaussures, les majors sont maintenant trop grosses et trop affairées à améliorer leur rentabilité pour dénicher les nouveaux talents. Or, sans nouveaux artistes pas de renouvellement, donc usure des catalogues. Les majors sont donc condamnées à faire du développement en faisant de la croissance externe...
Imaginez un porte avion ancré à quelques encablures d'une côte. Si une flottille de petites embarcations ne les alimentent pas en produits frais et en eau, au bout d'un moment, même long, tout le monde se jetera à l'eau. Les majors fonctionnent comme un porte avion et les producteurs indépendants doivent se faire payer à prix d'or le service de ravitaillement qu'ils offrent aux majors. Pour ça, il faut qu'ils fassent briller leur production afin d'attirer les convoitises.
Un seul exemple. Le label Tôt ou Tard, créé en 1996 au sein du groupe Warner par Vincent Frèrebeau, est indépendant depuis 2002. Pour acquérir cette indépendance Frèrebeau a racheté à Warner les 50% que détenait la major. Aujourd'hui, Universal propose de racheter ces mêmes 50% quatre fois le prix racheté à Warner. Que s'est-il passé en cinq ans qui justifie cette bascule ? Frèrebeau, a développé son catalogue, l'a rendu plus riche de quelques réussites commerciales et d'artistes en devenir.
Cet argent peut permettre à un producteur d'investir dans un plus grand nombre de projets ou d'allouer des moyens supplémentaires à tel ou tel projet de développement ou…
Dans le cinéma, les grands opérateurs qui prennent position sur le marché naissant de la VOD, font à leur tour miroiter des offres qui donnent parfois le tournis aux producteurs indépendants et le secteur du livre est lui aussi le théâtre permanent de la course "aux petits".
S'il est entendu que l'indépendance n'est pas pour autant nimbée d'une aura artistique au dessus de la moyenne, les indépendants ne doivent pas faire de complexes ni se perdre dans des combats d'arrière-garde mais se concentrer sur le développement de leur catalogue en ne perdant pas de vue que le pouvoir est aussi entre leurs mains.
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