2ème ROUND

le CNC et la chronologie des médias

Le CNC, après consultation des professionnels, propose que les films en vidéo à la demande sur Internet ainsi que les DVD soient disponibles au minimum quatre mois après leur sortie en salles contre 6 mois actuellement.

En fait, c'est la chronologie dans son ensemble que le CNC propose de remanier (voir les détails dans l'article du figaro.fr).

En octobre dernier, suite à la publication dans Le Monde d'un article sur "la dégringolade du marché du DVD", j'avais posé la question suivante à mes élèves de l'ESCEM :

1.    Expliquez qu'elles pourraient être les conséquences sur le marché de la vidéo si la chronologie des médias venait a être modifiée (réduction des délais entre la sortie en salle et celle en vidéo) ?
a.    Conséquences positives
b.    Conséquences négatives
(traitez les deux options)

L'ensemble des commentaires de ce petit panel d'étudiants (45) étaient intéressantes à plus d'un titre.
Premièrement parce qu'ils sont représentatifs de la génération "digital native", cette générations née avec un portable dans une main, une souris d'ordinateur dans l'autre et un lecteur MP3 collé sur le ventre.

Deuxièmement, si beaucoup d'entre eux ont en commun de manier le téléchargement avec dextérité, ils sont également représentatifs de ce qu'on pourrait appeler la "génération de l'hyper choix", celle qui est en contact avec un flux quasi ininterrompu de sollicitations dans tous les domaines. Loin de les stimuler, ces offres banalisent leur approche des produits culturels en les rabaissant souvent au niveau de plus produit, de bruit de fond.

Ces quelques explications pour souligner que sans réflexion sur ce qui peut donner redonner de la valeur aux produits culturels, toute mesure qui vise à en accélérer le rythme de consommation ne fait que participer à la banalisation générale.

Astérix

Le baromètre de la vidéo à la demande établi par les instituts GFK et NPA Conseil vient de tomber pour septembre 2008. Ce marché de téléchargement légal de films et d'oeuvres audiovisuelles a totalisé 4,4 millions d'euros de recettes sur ce mois, en hausse de 85% par rapport à septembre 2007. La VOD se consomme toujours à 90% sur le téléviseur et sur le PC. Enfin la VOD est pour l'instant préempté à plus de 56% par les films de cinéma. En tête des ventes, trois films se distinguent : «Asterix aux Jeux Olympiques», «Je suis une légende» et «Les femmes de sa vie».

Lus dans le Figaro, les résultats de ce baromètre appellent quelques commentaires.

Premièrement, une progression de 85% est en soit remarquable, mais ne doit pas nous faire oublier que  85% de pas grand chose reste pas grand chose. Vu sous cet angle ou comparé au nombre d'écrans plats vendus par jour, c'est très faible.

Deuxièmement, par rapport à l'offre d'un bon vidéo club, l'offre de films est ridicule. Sur Totalvod, le portail qui recence toutes les plateformes accessibles, la première d'entre elle (canalplay) ne propose que 2500 films, et pas que du premier choix...

Moralité, et troisièmement, les films les plus consommés sont des blockbusters. Surprise !

Se pose dès aujourd'hui le problème de l'offre. À l'heure où les pouvoirs publics, Christine Albanel en tête, crient au loup à propos du piratage des films, il serait bon de se rappeler que seule une offre légale riche et facilement accessible est capable de freiner l'essor du piratage.

Aujourd'hui, les opérateurs de téléphonie qui proposent des offres triple play détiennent la clé de l'accès. Si les propriétaires de droits ne se bougent pas pour imposer des sélections riches et variées, alors on se retrouvera au royaume du best seller, du blockbuster. Si parallèlement l'offre de DVD diminue (ce qui se produit déjà dans les magasins), les amateurs de films prendront les films là où ils les trouveront...

À suivre

Largeur de l'offre : corrigé (voir note Largeur de l'offre)

Trois conditions sont à remplir.

1/ Les rendre techniquement accessibles

2/ Le faire savoir

3/ Donner envie de les voir

1/ Les rendre techniquement accessibles

Pour un distributeur, les coûts de diffusion et de promotion élevés restreignent la diffusion des films en salles. C'est pourquoi les films "difficiles" ne sortent que sur quelques copies et sont retirés de l'affiche avant d'avoir trouvé leur public, bousculés par les blockbusters qui peuvent sortir sur près de 800, 900 copies. La diffusion d'un film en vidéo étant conditionnée à son succès en salle…

Les plateformes de téléchargement comme Univerciné ou MK2 rendent accessible un choix large de ce cinéma sans star ni effet spéciaux dit "cinéma d'auteur".

2/ Le faire savoir

Si la diffusion dématérialisée permet potentiellement de toucher les quelques 20 millions d'internautes qui se connectent de chez eux grâce au haut débit* il faut toutefois que ces plateformes fassent le travail de promotion que tout média, service ou commerce se doit de faire pour attirer l'attention. Pour ça il leur faudra imaginer des opérations de communication, des plans on et off line, créer des offres, aller chercher les cinéphiles là où ils se trouvent.

3/ Donner envie de les voir

Aujourd'hui ce rôle est essentiellement dévolu à la critique mais chacun sait que celle-ci ne suffit que très rarement à déplacer les foules. Il faudra que les opérateurs de ces plateformes de téléchargement, en association avec les producteurs, mettent à disposition des internautes des informations sur les films, qu'ils donnent accès à des contenus, des bonus qui aident à les mettre en valeur, à en faciliter l'accès, pour réveiller le cinéphile qui sommeille au cœur de chacun de nous…

C'est uniquement en remplissant ces trois conditions que les producteurs - distributeurs indépendants permettront à un large public de découvrir leurs films.

Au travail.

Sur l'histoire du cinéma indépendant aux pays de Mickey, je ne peux que vous recommander la lecture du livre de Peter Biskind, Sexe, Mensonges et Hollywood, sorte de suite sombre (mais pas dénuée d'espoir) à son précédent ouvrage Le nouvel Hollywood.