Dans un édito pour le moins violent publié dans le cahier cinéma de Libération du 4 juillet, Olivier Séguret s'en est pris au film de pub pour les Espaces Culturels Leclerc diffusé sur les chaînes hertziennes depuis quelques mois mais visible au cinéma depuis près de deux ans… Michel Edouard Leclerc a fait publié un droit de réponse dans le journal et sur son blog.
On peut tout d'abord s'étonner de la violence des propos d'O. Séguret alors que je ne me rappelle pas un quelconque commentaire sur le spot de pub de la Fnac (vieux de quelques années également), qui pastichait une émission de télé-achat et dans lequel un duo composé d'un animateur plus vrai que Pierre Dhostel (l'animateur vedette de M6) accompagné de la gourde de service (forcement blonde), présentait un livre à l'aide d'une série d'arguments qui allaient de la couverture lavable, au nombre de pages, en passant par son format rectangulaire ou encore son papier feutré.
Dans le registre de l'humour décalé toujours, et bien que d'une portée plus confidentielle, on peut rappeler la campagne d'affichage régionale sortie fin 2006 financée par la Région Aquitaine et soutenue par le Ministère de la Culture et qui, pour vanter les vertus de la librairie indépendante (ah ! les vertus cachées de l'indépendance) stigmatisait les vendeurs de livre "au poids". Michel Edouard Leclerc appréciera[1].
La première chose qui ressort de ces trois exemples est qu'on ne gagne jamais rien à afficher du mépris pour un groupe ou un autre. Même avec humour. Au pire vous obtenez la réaction d'un Séguret, au mieux (?) l'indifférence générale et/ou une réaction silencieuse de rejet.
L'autre chose toute aussi importante, est que se déclarer spécialiste ne suffit pas. Il faut le prouver tous les jours, sur le terrain. Face à l'avalanche de dizaines de milliers de produits qui s'abat sur les vendeurs et les clients et dont la durée de vie moyenne se compte en semaines sur les doigts d'une main, mettre à disposition ne suffit plus. Il faut rendre accessible, expliquer, sélectionner, aider au choix. Editorialiser une partie de son offre.
MEL a raison de rappeler que son enseigne soutient un grand nombre de manifestations culturelles mais force est de constater qu'il ne reste pas grand-chose (euphémisme) des Folles Journées de Nantes passé la Loire, ou du Festival de Montauban sorti du Tarn et Garonne. Dans le cas précis de Leclerc, ce décalage illustre la difficulté de rendre concret un discours d'enseigne centralisé dans des magasins autonomes dans leurs choix.
Le problème de la Fnac est de nature différente. Cette enseigne a longtemps été reconnue comme un spécialiste de haut vol capable de mettre en avant des sélections de produits fouillées mélangeant œuvres de référence et références à découvrir. Mais la crise frappant ici comme ailleurs, l'enseigne a, bien qu'elle s'en défende, peu à peu lâché ce créneau (trop coûteux en stock et personnel qualifié) pour se concentrer sur les marronniers que sont les opérations sur les cahiers de vacances , les sorties des produits vedettes ou les soldes permanentes rebaptisées opérations spéciales . Ne reste plus qu'un vernis qui craque de partout.
Qu'on me comprenne bien. Je ne dis pas qu'il faut supprimer Harry Potter des rayons et cacher les romans de Marc Levy sous les tables. Simplement qu'il y a tout à gagner à proposer au client qui vient acheter un best seller, un produit susceptible de satisfaire sa curiosité et ce sans que le dit client soit obligé de s'adresser à un vendeur plus ou moins compétent ou disponible. Internet permet aujourd'hui de construire des outils permanents de communication à la fois pédagogique et ludique.
La pub peut-être un plus… Peut-être. Mais une chose est sure, c'est elle ne remplacera pas un travail de fond. Chose rassurante, c'est celui qui paie.
[1] Le photographe qui a illustré l'article "L'indigestion culturelle" dans le numéro de Télérama du 26 janvier 2005 appréciera également...
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